OCÉANIE - Géographie humaine

OCÉANIE - Géographie humaine
OCÉANIE - Géographie humaine

Depuis la Seconde Guerre mondiale, le monde Pacifique s’est affirmé au fil des décennies et, malgré guerres, révolutions et crises, comme un espace d’avenir qui connaît actuellement à la fois un fort essor économique d’ensemble et un poids croissant dans la politique internationale. Les deux premières puissances mondiales au début des années 1990, les États-Unis et le Japon, sont riveraines du Pacifique, mais elles ne sont plus seules à compter: la Corée du Sud, Taiwan, la Chine continentale, l’Indonésie, la Malaisie, la Thaïlande, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, le Chili, sans compter les villes-États ou enclaves comme Singapour et Hong Kong, et en attendant demain les Philippines, voire le Vietnam, capitalisent une part croissante des progrès de l’économie mondiale en termes de production, d’emplois et de participation aux échanges internationaux.

Tout cela place les multiples petites îles et archipels qui s’éparpillent sur les immensités de l’océan Pacifique dans une position favorable et leur permet de bénéficier d’un intérêt international sans commune mesure avec leur taille souvent minuscule, la faiblesse de leur population et la modestie de leurs ressources. Si on exclut bien sûr l’Australie et la Nouvelle-Zélande, toute l’Océanie insulaire, y compris la vaste Papouasie - Nouvelle-Guinée, n’atteint pas les 8 millions d’habitants.

Il est vrai que, en dehors même de leur situation stratégique, les domaines insulaires du Pacifique méritent qu’on s’y attache quand ce ne serait que par l’extraordinaire diversité des situations qu’ils présentent: on trouve en Océanie des îles riches, voire très riches, et des îles pauvres, des îles qui vivent de l’agriculture et de la pêche et d’autres qui sont pleinement insérées dans la civilisation «postindustrielle» des villes et des services, des îles à population monoraciale et d’autres avec deux, trois composantes ethniques ou plus encore, des îles ou archipels qui sont devenus des micro-États indépendants tandis que d’autres se sont au contraire plus ou moins intégrés au sein de grandes puissances, sans oublier qu’à ces contrastes s’ajoutent ceux qui sont nés de la nature physique elle-même, îles grandes ou petites, hautes ou basses, etc.

1. Des populations peu nombreuses mais variées

Ce qui est frappant tout d’abord en Océanie, c’est la faiblesse numérique des populations: toutes les îles et tous les archipels, de la Nouvelle-Guinée aux Hawaii, de l’île de Pâques aux Salomon, ne réunissent pas même 8 millions d’habitants, l’équivalent de la population de Bangkok et à peine la moitié de celle de Mexico. Plus de la moitié du total d’ailleurs est à mettre au compte de la Papouasie - Nouvelle-Guinée, et seules les Hawaii ensuite dépassent, de fort peu, le million d’habitants. À l’autre extrémité apparaissent des «États» comme Tuvalu ou Nauru qui n’excèdent pas... 9 000 habitants.

Pourtant, ce petit nombre recouvre une grande diversité, d’abord dans la composition ethnique. Les populations indigènes elles-mêmes, celles qui étaient implantées depuis des siècles ou des millénaires dans pratiquement toutes les îles du Grand Océan, si isolées qu’elles fussent au moment de l’arrivée des Européens, sont en fait, on le sait, très variées. Traditionnellement, on les divise en trois ensembles (les aborigènes australiens mis à part), Mélanésiens, Polynésiens et Micronésiens, en fonction de critères ethniques, linguistiques et géographiques qui ne sont certes pas absolus et laissent place à de nombreuses formes de transition et de métissage.

Les Mélanésiens (Noirs océaniens) sont de loin les plus nombreux, 5,5 millions peut-être, sans tenir compte de ceux de la moitié ouest de la Nouvelle-Guinée devenue province indonésienne de l’Irian, où les indigènes sont peu à peu submergés par l’afflux de colons venant de certaines îles surpeuplées du reste de l’Indonésie. Les Mélanésiens occupent depuis de nombreux millénaires les grands archipels montagneux du sud-ouest du Pacifique: Nouvelle-Guinée, Salomon, Nouvelles-Hébrides, Nouvelle-Calédonie, Fidji. Eux-mêmes présentent d’ailleurs une variété certaine de types physiques, depuis les Negritos ou Pygmées de quelques vallées intérieures de la Nouvelle-Guinée jusqu’aux Papous et aux Mélanésiens proprement dits, sans compter diverses formes de métissage avec des Polynésiens (îles Loyauté, Fidji...). Mais c’est plus encore l’émiettement linguistique (plusieurs centaines de langues différentes en Nouvelle-Guinée, plus de quatre-vingts dans les seules îles Salomon) qui caractérise ce monde mélanésien et a donné aux différentes formes de pidgin (bichlamar néo-hébridais par exemple) et aux langues européennes (anglais, français) une fonction unificatrice.

Les Polynésiens sont en nombre beaucoup plus restreint, à peine plus d’un million dans leur immense aire d’expansion du Pacifique central, allant de la Nouvelle-Zélande au sud-ouest (les Maoris, environ 400 000, sont des Polynésiens) jusqu’aux Hawaii au nord-est et à l’île de Pâques au sud-est en passant par les Tonga, les Samoa, les Cook et la Polynésie française. Différents des Mélanésiens par leur aspect physique (peau assez claire, yeux en amande, cheveux plats ou ondulés) issu d’un mélange de traits caucasoïdes, mongoloïdes et mélanésiens, ils le sont aussi par leur remarquable unité linguistique qui témoigne de leur installation beaucoup plus récente. La langue polynésienne, subdivisée en dialectes relativement peu différenciés, se rattache en fait au grand groupe dit malayo-polynésien, ce qui permet, entre autres, d’abandonner toute idée d’une origine américaine, même si des contacts épisodiques ont pu avoir lieu.

Enfin, les Micronésiens, un peu plus de 350 000, occupent les archipels du nord-ouest du Pacifique, au nord de l’équateur, c’est-à-dire les Carolines, les Mariannes y compris Guam, les Marshall et une grande partie des Gilbert. S’ils appartiennent à la même famille linguistique que les Polynésiens, ils s’en distinguent souvent nettement par des caractères plus négroïdes (peau plus foncée) et plus mongoloïdes.

Depuis la découverte par les Européens, ces groupes indigènes se sont trouvés placés au contact de nouveaux venus, blancs mais aussi asiatiques, d’où des phénomènes de métissage complexes qui ont touché en particulier le monde polynésien. Dans certains archipels, ces contacts et métissages n’ont affecté que plus ou moins superficiellement les populations indigènes qui restent largement majoritaires: c’est le cas aux Tonga, aux îles Cook, à Wallis-et-Futuna, aux Samoa (malgré la présence de quelques milliers de métis allemands-samoans et chinois-samoans), voire en Polynésie française, comme en Mélanésie aux Salomon, aux Nouvelles-Hébrides, en Papouasie - Nouvelle-Guinée même. Mais, dans d’autres archipels, l’immigration n’a pas été limitée ou passagère: elle s’est développée massivement en fonction des besoins des grandes plantations de sucre ou d’ananas ou des mines, en fonction aussi de politiques d’immigration visant à favoriser l’enracinement de groupes ethniques nouveaux. Cela a été le cas bien sûr, à très grande échelle, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande où aborigènes d’une part, Maoris d’autre part ont été totalement submergés, voire en grande partie éliminés par la colonisation blanche. Aux Fidji, l’enracinement de la communauté indienne a été rapide grâce à la présence d’assez nombreuses femmes parmi les immigrants et à la fécondité exceptionnelle de celles-ci, d’où la situation actuelle où les Indiens, nés aux Fidji pour la plupart maintenant, sont plus nombreux que les Mélanésiens. En Nouvelle-Calédonie, les tentatives pour faire de la Grande Terre un espace de colonisation européen puis le grand boom du nickel de la fin des années 1960 ont amené l’installation non seulement d’une forte population blanche, mais aussi d’Asiatiques (Tonkinois, presque tous repartis en 1963-1964, Javanais, sans parler des Japonais expulsés en 1942) et de Polynésiens de Tahiti et surtout de Wallis, surpeuplée. Aux Hawaii, enfin, les indigènes polynésiens ont été totalement submergés non seulement par les Blancs (Portugais des Açores, Espagnols, puis Américains de plus en plus nombreux après l’annexion de l’archipel par les États-Unis en 1898), mais surtout par les Asiatiques, Chinois, Japonais (les plus nombreux), Coréens, Philippins enfin; les autochtones ne subsistent plus pratiquement que sous forme de métis blancs-hawaiiens ou asiatiques-hawaiiens.

La coexistence de ces groupes ethniques différents n’est pas sans poser parfois des problèmes sérieux: si aux Hawaii, dans le contexte de prospérité du cinquantième État des États-Unis, est née une authentique société multiraciale caractérisée notamment par de très nombreuses unions interethniques, aux Fidji, par exemple, les deux groupes principaux se côtoient sans se mélanger; les Mélanésiens qui ont le quasi-monopole des terres et le contrôle des forces armées n’entendent pas s’y laisser marginaliser par des Indiens aujourd’hui plus nombreux (52 p. 100 contre 44 p. 100) et économiquement plus actifs: c’est la raison du coup d’État du colonel Rabuka (15 mai 1987) contre le Premier ministre «pro-indien» Timoci Bavarda, élu le mois précédent, qui entraîna la proclamation de la République et la sortie des Fidji du Commonwealth. La nouvelle Constitution de 1990 est organisée sur la base de collèges ethniques séparés qui garantissent aux Mélanésiens une majorité politique absolue et instituent ainsi une sorte d’apartheid politique au détriment des Indiens. Le général Rabuka est d’ailleurs Premier ministre depuis 1992. Enfin, en Nouvelle-Calédonie, on connaît les difficultés rencontrées pour établir la coexistence des ethnies sur une base durable.

2. Une croissance démographique rapide

Alors que, à la fin du XIXe siècle, les populations indigènes d’Océanie étaient encore en recul, et paraissaient même parfois vouées à l’extinction, les premières décennies du XXe siècle ont vu un total renversement de la tendance qui n’a fait que se confirmer et se renforcer depuis lors, au point que certains archipels ont une des structures par âge les plus jeunes du monde. En Papouasie, aux Salomon, au Vanuatu, les taux de natalité dépassent largement 40 p. 1 000, tandis que les taux de mortalité sont compris entre 10 et 15 p. 1 000. Le rythme d’accroissement naturel est donc de l’ordre de 3 p. 100 par an! Aux Salomon, par exemple, on comptait au dernier recensement 47,9 p. 100 de moins de quinze ans (France, 20,8 p. 100) et seulement 5 p. 100 de soixante ans et plus. Certains États déjà bien peuplés ont encouragé un contrôle des naissances: aux Samoa occidentales, par exemple, la natalité est tombée à 30 p. 1 000 au début des années 1980, mais, la mortalité étant très faible du fait notamment de la jeunesse de la population, l’accroissement naturel reste fort, comme il l’est d’ailleurs encore dans les territoires d’outre-mer français, du moins chez les indigènes. Enfin, le cas des Hawaii est assez particulier, puisqu’on y trouve une situation démographique comparable à celle du reste des États-Unis, quoique un peu plus favorable (natalité, 18 p. 1 000 contre 15; mortalité 5,2 p. 1 000 contre 8,5).

Cet essor rapide n’a guère atténué les grandes inégalités dans la répartition de la population entre les archipels, dont témoignent les contrastes de densité qui apparaissent dans le tableau.

Dans l’ensemble, les très grands archipels montagneux du monde mélanésien sont faiblement peuplés, moins de 10 habitants au kilomètre carré. De plus, à l’intérieur de chaque archipel, des différences notables apparaissent entre les îles: aux Salomon, par exemple, si Malaita a aujourd’hui plus de 15 habitants au kilomètre carré, Santa Isabel en a 3 seulement. En Polynésie et en Micronésie, en revanche, les densités sont beaucoup plus fortes et peuvent atteindre dans des atolls (mais il y a aussi des atolls presque vides) un niveau très élevé: plus de 200 habitants au kilomètre carré aux Gilbert (Kiribati), 350 à Tuvalu, voire plus de 1 000 à Majuro (Marshall). Dans les îles volcaniques polynésiennes s’opposent en général un intérieur des terres plus ou moins montagneux et vide d’hommes et une concentration littorale de la population.

La croissance démographique et les inégalités de population et de ressources ont donné naissance à des mouvements migratoires qui se sont accélérés ces dernières décennies avec les facilités de déplacement offertes notamment par l’avion. Il y a bien sûr des migrations de travail classiques, comme celles qui aux Salomon amènent depuis longtemps déjà les gens de Malaita sur les plantations de cocotiers de Guadalcanal ou des îles Russell. Elles peuvent être d’ailleurs à beaucoup plus grand rayon d’action: les mines et l’industrie du nickel de Nouvelle-Calédonie ont ainsi attiré, notamment pendant le grand boom, des Tahitiens et surtout des Wallisiens, plus nombreux en 1988 sur la Grande Terre qu’à Wallis même. Mais deux mouvements de grande ampleur – les migrations vers les villes et les migrations vers le monde extérieur – risquent de remettre en cause certains traits de la répartition des populations insulaires.

Les migrations vers les villes . Dans certains archipels, les villes restent embryonnaires et n’exercent qu’une attraction limitée et souvent temporaire: c’est le cas de Honiara, la capitale des Salomon (25 000 hab.) et à plus forte raison des petits centres comme Auki (Malaita), Gizo et Munda (ouest de l’archipel) qui ne dépassent pas les 3 000 habitants. Mais déjà en Nouvelle-Guinée, Port Moresby (190 000 hab.) et dans une moindre mesure les autres villes du littoral, Lae, Madang attirent des groupes de plus en plus nombreux de montagnards de l’intérieur. Ce drainage vers les villes et surtout la capitale où se trouvent les emplois salariés se manifeste aussi bien au Vanuatu en faveur de Port Vila qu’aux Samoa occidentales où Apia dépasse 40 000 habitants en 1990. Aux Fidji, également, la capitale, Suva, compte environ 100 000 habitants, en nette majorité des Indiens qui contrôlent avec les quelques milliers d’Européens, d’Asiatiques et de métis le commerce et les professions libérales. C’est cependant dans les territoires d’outre-mer français et plus encore aux Hawaii que le pouvoir d’attraction de la capitale s’est exercé de la façon la plus vigoureuse: aujourd’hui, Nouméa et Papeete réunissent chacune plus de la moitié de la population de leur territoire; en Polynésie française, pratiquement toutes les îles et les archipels ont fourni des contingents de migrants qui souvent d’ailleurs conservent des liens avec leur terre d’origine. Aux Hawaii, enfin, le mouvement déjà ancien qui attirait la population de toutes les îles vers la capitale Honolulu (déjà la plus grande ville du Pacifique insulaire avant la Seconde Guerre mondiale) s’est considérablement renforcé après 1945 lorsque le développement économique de l’archipel s’est appuyé sur des bases nouvelles, les militaires d’un côté, les touristes de l’autre. Or Pearl Harbor et Waikiki, qui concentrent encore une bonne partie de ces activités, sont en fait partie intégrante de l’agglomération de Honolulu. Rien d’étonnant donc à ce que l’île d’Oahu soit devenue pratiquement tout entière le «grand Honolulu», réunissant plus de 80 p. 100 de la population de l’archipel sur moins de 10 p. 100 de sa surface au milieu des années 1960. Depuis lors, le développement de grands complexes touristiques dans les autres îles a permis de renverser la tendance malgré le déclin de l’agriculture, et Oahu ne groupait plus en 1992 que 74,5 p. 100 de la population totale. Il n’en reste pas moins qu’avec plus de 750 000 habitants, avec ses paysages urbains «à l’américaine», Honolulu fait figure de géant parmi les villes du Pacifique insulaire et exerce par sa visible opulence une forte attraction dans toute la Polynésie et la Micronésie, voire au-delà.

Les migrations vers le monde extérieur . Les insulaires du Pacifique, en particulier ceux des îles les plus densément peuplées, tendent à migrer vers des horizons plus ou moins lointains où les perspectives d’emploi sont meilleures. C’est ainsi que de nombreux habitants des îles Cook, de Niue, des Tonga et des Samoa occidentales sont partis s’installer en Nouvelle-Zélande, notamment à Auckland, au point que la population des deux premières a diminué entre 1970 et 1980. De même, des Samoans orientaux et, depuis la politique de limitation des entrées par la Nouvelle-Zélande, occidentaux sont allés s’installer aux Hawaii et, au-delà, en Californie où ils constituent des communautés qui conservent souvent des liens étroits avec leurs îles d’origine. Des habitants des territoires d’outre-mer français s’établissent en métropole. Il est vrai que, en sens inverse, l’immigration est loin d’être négligeable: le meilleur exemple en est les Hawaii où, depuis la libéralisation de la législation américaine sur l’immigration notamment, Philippins surtout, mais aussi réfugiés vietnamiens, chinois et même coréens affluent au rythme de plus de 8 000 par an.

3. Les transformations de la vie rurale

Là encore, on ne peut qu’être frappé par la diversité des situations suivant les archipels. Dans bon nombre d’entre eux, l’agriculture vivrière reste la base qui occupe la grande majorité de la population: 75 p. 100 en Papouasie - Nouvelle-Guinée, au Vanuatu et aux Salomon, près de 60 p. 100 aux Samoa occidentales et aux Tonga. Elle est fondée sur la culture des racines et des tubercules, igname, taro, patate douce et, d’introduction récente mais en plein développement, manioc. Toutes sont des plantes généreuses qui ont des rendements élevés et n’exigent donc la mise en culture que de petites surfaces. Il s’y adjoint le bananier, le palmier sagoutier en Nouvelle-Guinée, le pandanus particulièrement utilisé dans les atolls, l’arbre à pain et surtout le cocotier, partout présent dans les régions littorales et dont l’importance est essentielle pour les atolls. En complément figurent la canne à sucre, le maïs et aussi le tabac, un genre de poivrier qui donne (en Polynésie surtout) la boisson des fêtes traditionnelles (kava ) et, en Mélanésie occidentale, le bétel. Cette agriculture indigène reste un peu sommaire (cultures itinérantes sur défrichements forestiers temporaires) là où la pression démographique est la plus faible. Mais elle a su évoluer ailleurs vers des formes beaucoup plus élaborées, avec la construction de grands billons pour les ignames, de véritables casiers inondables pour le taro, voire de terrasses sur les pentes, et présente souvent une véritable organisation de l’espace en terroirs différenciés (Samoa). Enfin, les montagnards de Nouvelle-Guinée ont constitué en altitude (de 1 500 à 2 500 m) de beaux paysages de bocage où ils cultivent notamment la patate douce.

La classique concentration des villages indigènes en position littorale est liée pour une bonne part au rôle de la petite pêche dans le lagon et autour du récif-barrière. Celle-ci fournit en effet un complément en protéines important. L’élevage traditionnel est limité aux volailles et surtout aux porcs, sacrifiés en grandes quantités en Mélanésie au moment des fêtes rituelles. La seule Papouasie - Nouvelle-Guinée en compterait deux millions et demi. Il s’y ajoute parfois quelques bovins élevés sous les cocotiers. Au total, l’alimentation est en général suffisante en quantité et assez variée, et l’Océanie insulaire n’est pas un domaine de la faim, sauf en cas de catastrophe climatique.

Les horizons de l’agriculture indigène se sont singulièrement élargis avec l’introduction par les Européens de cultures nouvelles à vocation commerciale qui ont été insérées dans les systèmes traditionnels. Le café était ainsi devenu la ressource essentielle des réserves mélanésiennes de Nouvelle-Calédonie, mais il ne compte plus guère. Dans les années 1980, le café s’est considérablement développé dans les hautes terres de Papouasie - Nouvelle-Guinée, dont il constitue aujourd’hui de loin la première ressource agricole exportée (93 millions de dollars en 1990, 4,5 p. 100 du P.N.B.). Surtout, un certain nombre de cultures vivrières sont devenues en même temps productions pour le commerce international: bananes des Samoa et des Fidji pour l’Australie et la Nouvelle-Zélande, et un peu partout coprah exporté vers les pays industrialisés pour la fabrication du savon et de la margarine, et qui donne le gros des ressources monétaires de nombreuses communautés villageoises.

Mais le coprah n’est pas fourni que par les paysans indigènes, car il existe aussi de grandes cocoteraies exploitées par de puissantes sociétés privées (Levers aux Salomon, aujourd’hui associée à l’État) ou par les États eux-mêmes (Western Samoa Trust Estate Corporation aux Samoa, issue de la nationalisation des plantations allemandes après la guerre de 1914-1918). Les principaux producteurs de coprah dans le Pacifique sont la Papouasie - Nouvelle-Guinée (160 000 t), le Vanuatu (47 000 t), les Salomon (45 000 t), la Micronésie (25 000 t), les Fidji (25 000 t), les Samoa occidentales et les Tonga, mais ils ne pèsent guère face à l’Indonésie et aux Philippines. En Polynésie française, l’importance des ressources monétaires disponibles par ailleurs a conduit à un quasi-abandon de l’exploitation des cocoteraies, sauf peut-être aux Tuamotu... où elles ont été ravagées par les cyclones de 1982-1983 (14 000 t en 1985).

Une part considérable des exportations agricoles des archipels océaniens est fournie en fait par de grandes plantations. C’est le cas du cacao (30 000 t en Papouasie - Nouvelle-Guinée, localisées surtout en Nouvelle-Bretagne), du palmier à huile aux Salomon (plaine nord de Guadalcanal) et surtout de la canne à sucre, produite aux Fidji et aux Hawaii. Aux Fidji, la Colonial Sugar Refining australienne qui avait le monopole de la production sucrière a revendu, après l’indépendance, tous ses avoirs à l’État fidjien qui a maintenu le système mis en place dans les années 1920: la canne est cultivée dans de petites exploitations familiales, par des Indiens descendant des premiers immigrants, la terre restant propriété de la Fiji Sugar Corporation qui contrôle les sucreries et fournit un encadrement technique aux petits planteurs. De petits planteurs indiens louent aussi des terres à des Mélanésiens. Au total, Fidji produit aujourd’hui en moyenne plus de 400 000 tonnes de sucre (510 000 t en 1986) vendu à un prix très intéressant à la Communauté européenne dans le cadre des accords de Lomé.

Aux Hawaii, les plantations de canne à sucre ont connu, à partir de la signature du traité de réciprocité avec les États-Unis (1876) puis de l’annexion par ceux-ci (1898), un essor impressionnant qui a amené l’archipel à une production d’un million de tonnes de sucre brut dès le début des années 1930. Mais, depuis la Seconde Guerre mondiale, elles se sont totalement transformées pour devenir d’énormes exploitations intégralement mécanisées pour réduire les frais d’une main-d’œuvre devenue exorbitante. Malgré cette mutation, les plantations sucrières, aujourd’hui totalement intégrées à de grands groupes multinationaux, n’ont qu’une rentabilité faible qui a conduit à la fermeture des moins efficaces d’entre elles.

Les progrès de productivité ont permis longtemps de compenser pour une large part le recul des superficies et, au milieu des années 1980 encore, les Hawaii produisaient quelque 900 000 tonnes de sucre brut par an. Depuis lors, la situation s’est encore dégradée, et l’avenir apparaît bien sombre pour une industrie qui n’a fourni que moins de 600 000 tonnes de sucre brut en 1994. Pour l’ananas, l’évolution est encore moins favorable: alors que les Hawaii ont conservé un quasi-monopole mondial de production des conserves d’ananas jusque dans les années 1950, le développement d’une puissante concurrence (pays du Sud-Est asiatique) et la hausse vertigineuse des salaires sur place ont contraint les grandes sociétés continentales (Libby’s, Del Monte...) à abandonner les Hawaii et à investir par exemple aux Philippines et en Thaïlande. L’avenir est dans une reconversion très partielle vers la production d’ananas frais soit vendus aux touristes, soit expédiés par avion sur le marché américain. Mais cela n’empêche pas la disparition d’une grande partie des puissantes plantations, par exemple de l’ouest de Molokai ou encore de l’île de Lanai, qui fut la plus grande plantation d’ananas du monde, possédée par la firme Dole (qui a fusionné avec Castle of Cooke en 1981) et qui se reconvertit totalement aujourd’hui dans le tourisme de grand luxe.

D’autres cultures destinées à l’exportation (noix de macadamia en grandes plantations, papayes et fleurs tropicales en petites exploitations tenues par des descendants d’Asiatiques) ou au marché local (légumes) et quelques grands ranchs ne constituent que des ressources secondaires par comparaison avec les grandes activités tertiaires qui font aujourd’hui la prospérité de l’archipel.

L’élevage bovin extensif est pratiqué aux Samoa, aux Fidji, au Vanuatu et en Papouasie sous les cocotiers des grandes plantations. En Nouvelle-Calédonie, les ranchs «à l’australienne» de la façade ouest sont encore peu performants (1 bovin pour 3 hectares) et ne satisfont même pas les besoins du territoire en viande.

Enfin, dernière ressource dans les grandes îles montagneuses et peu peuplées du sud-ouest du Pacifique: la forêt, exploitée commercialement au Vanuatu, aux Salomon et en Nouvelle-Guinée surtout qui présente d’importantes possibilités en ce domaine. Parfois anarchique et destructrice, la mise en valeur de cette richesse est aujourd’hui de plus en plus rationnelle, avec reboisement systématique des coupes et boisement d’espaces en friche (pins caraïbes en Nouvelle-Calédonie et aux Fidji).

Au total, l’agriculture des îles d’Océanie connaît des difficultés dans la mesure où les plantations et plus généralement les cultures commerciales sont soumises aux fluctuations des cours internationaux sans que leur production soit suffisante pour peser sur ces cours. Pour le coprah, par exemple, le prix était à l’indice 31,4 en 1972, 147,6 en 1974, 60,7 en 1976, 148,5 en 1979, 100 (indice de référence) en 1980, 69,3 en 1982, 156,8 en 1984, 43,6 en 1986, 87,4 en 1988, 50,7 en 1990. Quant aux cultures vivrières, elles ont tendance à reculer rapidement, notamment dans les archipels dont le niveau de vie s’élève. Les gouvernements s’efforcent de faire face en développant par exemple une culture du riz en grandes exploitations mécanisées (plaine de la Rewa à Viti Levu aux Fidji, plaine nord de Guadalcanal aux Salomon). Mais bien souvent le déclin des cultures vivrières se traduit par une augmentation des importations qui déséquilibre la balance commerciale.

4. La pêche, une ressource d’avenir

Les populations indigènes associent traditionnellement l’agriculture et la petite pêche dans le lagon et autour du récif-barrière, là où il y a une vie importante tandis que les eaux bleues du plein océan aux latitudes tropicales sont finalement très pauvres. Cela fournit un complément alimentaire important et, occasionnellement, du poisson frais à vendre. Il s’y ajoute l’apport de quelques pêcheurs professionnels (petits bateaux bonitiers à Papeete ou à Nouméa, par exemple) et le poisson capturé par les plaisanciers et les amateurs. Malgré quelques tentatives pour développer plus rationnellement la pêche du thon, la production reste insuffisante même pour satisfaire les besoins locaux, aussi bien en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française qu’aux Samoa occidentales par exemple, et il faut importer des conserves.

L’essentiel de la pêche dans le Pacifique, qui représente aujourd’hui 70 p. 100 de la pêche mondiale des thonidés, s’organise dans un cadre totalement différent. Depuis longtemps déjà, dès les années 1950, les Japonais avaient obtenu le droit d’implanter des bases de pêche dans certains archipels comme les Nouvelles-Hébrides (Santo) ou les Fidji (Levuka). Le poisson pêché par des flottilles de thoniers attachés à ces bases y était débarqué, stocké, congelé et transporté par cargos congélateurs jusqu’au Japon. Les Américains avaient également installé à Pago Pago (Samoa américaines) deux grandes usines de conserves appartenant aux puissants groupes Van Camp et Star Kist, usines ravitaillées par des thoniers japonais d’abord, aujourd’hui formosans et coréens. L’intérêt de cette implantation est le libre accès au marché américain. Le nouveau droit de la mer avec l’octroi d’immenses zones économiques exclusives aux États insulaires et archipélagiques a donné à ceux-ci des potentialités de pêche qu’ils ne sont ni techniquement ni économiquement à même d’exploiter, mais qu’ils cherchent à monnayer sous forme d’autorisations de pêche pour des quantités données. Certains d’entre eux, trop gourmands, ont été partiellement ou totalement abandonnés par les Japonais (Papouasie, Vanuatu). Aux Salomon, en revanche, le gouvernement local et la firme nipponne Taiyo ont mis en place un joint venture qui a permis l’installation de deux bases de pêche à Tulagi et à Noro, avec développement de conserveries. Les Fidji, le Kiribati, les îles Palau en Micronésie maintiennent des bases de ce type. Le Kiribati puis le Vanuatu avaient négocié avec l’U.R.S.S. l’octroi de droits de pêche. La pêche est ainsi devenue, au-delà de la richesse potentielle qu’elle représente par les royalties versées aux États «propriétaires» des espaces maritimes concernés, un élément de rivalité entre grandes puissances.

Enfin, on s’oriente de plus en plus vers une exploitation rationnelle de la mer par le développement d’élevages marins, par exemple des crevettes aux Hawaii ou des huîtres perlières aux Tuamotu (perles noires) et aux Gambier.

5. La faiblesse des mines et de l’industrie

Il n’y a que relativement peu de ressources minières en Océanie insulaire. Le cas du petit atoll soulevé de Nauru est exceptionnel avec son riche gisement de phosphates dont l’extraction par des travailleurs venus d’autres îles, au rythme de 2 millions de tonnes par an, a pratiquement cessé en 1994. Mais les autochtones ont eu la sagesse d’investir massivement dans les grands pays riverains (Australie) et dans des activités nouvelles (compagnie aérienne d’Air Nauru, qui a un rôle important dans tout le sud-ouest du Pacifique), ce qui devrait leur permettre de maintenir leur niveau de vie très élevé après la fin de l’extraction. D’autres gisements de phosphates ont déjà été épuisés, à Océan (Kiribati) et, plus anciennement, à Makatea (Polynésie française).

La Papouasie - Nouvelle-Guinée a des ressources appréciables d’abord avec les gisements de cuivre de l’île de Bougainville, ensuite avec le grand gisement d’or et de cuivre d’Ok Tedi, dans la cordillère centrale de la Nouvelle-Guinée, à proximité de l’Irian, mis en valeur grâce à des capitaux internationaux et malgré des conditions d’accès difficiles. En 1991, la Papouasie a produit 232 000 tonnes de cuivre (630 millions de dollars d’exportation, 18 p. 100 du P.N.B.) et 54 tonnes d’or (750 millions de dollars, 20 p. 100 du P.N.B.). Il s’y ajoute depuis 1992 la production des gisements de pétrole de Kutulu et de Iagifu. En revanche, le gisement d’or de Viti Levu dans l’archipel des Fidji est en voie d’épuisement (4 t en 1991, valant 35 millions de dollars), et la mine de manganèse d’Efate au Vanuatu a fermé en 1980. Les richesses minières de la Nouvelle-Calédonie sont connues et exploitées depuis plus d’un siècle. Si aujourd’hui on n’extrait plus les minerais de chrome, de manganèse et de fer, le nickel, transformé en partie dans la grande usine de Doniambo, près de Nouméa, est exporté vers le Japon et l’Europe, même si les cours sont encore loin du niveau de la fin des années 1960, avec des fluctuations considérables (indice 43 en 1970, 100 en 1980, 59 en 1986, 211 en 1988, 124 en 1991).

Il ne faudrait pas oublier enfin les potentialités que représentent les gisements de nodules polymétalliques du fond de l’océan. L’exploitation de ceux-ci n’est cependant pas encore économiquement rentable faute de techniques appropriées et de cours des métaux incitatifs.

Les activités industrielles n’ont qu’un faible développement en Océanie insulaire, faute de matières premières, faute aussi de sources d’énergie. Les possibilités hydroélectriques sont modestes (barrage de Yaté alimentant en partie l’usine de Doniambo en Nouvelle-Calédonie), il n’y a pas encore de pétrole (sauf en Nouvelle-Guinée), les énergies nouvelles (éolienne, solaire) n’offrent que des perspectives d’avenir restreintes. Les deux raffineries de pétrole implantées à Honolulu travaillent du brut indonésien pour satisfaire les besoins considérables d’une population à très haut niveau de vie augmentée du flot des touristes. Ces besoins justifient aussi l’installation d’usines de produits alimentaires, de boissons, d’impression de textiles, etc. Mais, dans les autres archipels, le marché est beaucoup trop exigu et l’industrie embryonnaire. Une seule exception, les Fidji où, à l’exemple peut-être de l’île Maurice, des usines de transformation à vocation exportatrice commencent à se créer et bénéficient depuis peu d’un système de zones franches destiné à attirer des investisseurs étrangers (10 000 emplois créés de 1991 à 1993).

6. L’essor du transport aérien et le rôle croissant du tourisme

L’isolement des îles né de leur dispersion dans les immensités du Grand Océan est aujourd’hui considérablement réduit par le développement de l’aviation, et notamment de l’aviation à réaction, avec d’abord la génération des Boeing 707 au tout début des années 1960, puis celle des Jumbo-Jet (Boeing 747, DC 10) dans les années 1970. Certes, l’allongement des rayons d’action permet la traversée du Pacifique sans escale, et certaines petites îles, qui ont joué un temps un rôle de relais sur les grandes routes aériennes, sont de ce fait retombées dans l’oubli (Wake au centre du Pacifique nord). Mais les grands archipels ont été dotés d’aéroports internationaux capables d’accueillir les plus gros avions: c’est le cas bien sûr des Hawaii avec Honolulu (20 millions de passagers, un des dix plus grands aéroports des États-Unis) mais aussi Hilo et Kahului, des Fidji (Nandi), de Tahiti (Faaa, 1961), de la Nouvelle-Calédonie (La Tontouta), et même, pour des raisons de souveraineté, de l’île de Pâques (1968) ou de Pago Pago (Samoa américaines). Il ne faut que quelques heures pour atteindre à partir de ces aéroports n’importe quelle grande métropole de la périphérie du monde pacifique, et seulement un peu plus de vingt-quatre heures pour aller de Paris à Nouméa, presque exactement aux antipodes.

L’avion a permis d’autre part, par la multiplication des lignes intérieures et les lignes régionales, de rompre l’isolement des archipels et des îles marginales par rapport aux grands axes du transport aérien. C’est ainsi qu’en Polynésie française les îles de la Société (Moorea, Raiatea, Bora Bora) mais aussi les Tuamotu, les Marquises, les Gambier, les Australes sont reliées régulièrement à Papeete par avion. C’est vrai aussi pour la Nouvelle-Calédonie, les Fidji et, à une échelle beaucoup plus impressionnante, pour les Hawaii où trois compagnies (Aloha, Hawaiian et Mid Pacific) se partagent un trafic considérable entre les îles. Certains États entretiennent d’ailleurs des compagnies nationales qui non seulement assurent le trafic intérieur, mais aussi des liaisons avec les archipels voisins, voire les pays riverains du Pacifique (Air Pacific de Fidji, Air Nauru). Cette ouverture sur l’extérieur grâce à l’avion a facilité les migrations des Océaniens et inversement a permis l’essor du tourisme dans les îles et archipels d’accès facile.

En fait, le tourisme est aujourd’hui concentré sur un petit nombre de points et laisse de côté une bonne partie des espaces insulaires jugés moins intéressants et plus ou moins protégés parfois par la politique de certains États ne souhaitant pas dénaturer leurs paysages et leurs genres de vie traditionnels par un afflux incontrôlé de touristes.

La Papouasie, les Salomon, le Kiribati ne reçoivent chacun que quelques milliers de touristes, ce qui ne représente par exemple qu’à peine 0,7 p. 100 du P.N.B. de la Papouasie - Nouvelle-Guinée, handicapée il est vrai dans ce domaine par les troubles politiques de Bougainville et par l’insécurité régnant à Port Moresby. D’autres pays ont une activité touristique un peu plus soutenue, comme le Vanuatu (une renaissance après le creux des années 1980), les Tonga (qui profitent de la relative proximité de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande pour accueillir de nombreux navires de croisière), les Samoa occidentales (14 p. 100 du P.N.B.) et même la Nouvelle-Calédonie (avec des fluctuations liées aux incertitudes politiques). À Tahiti et dans les îles proches (Moorea, Bora Bora), le poids du tourisme est déjà beaucoup plus important (2 700 chambres, 125 000 touristes) de même qu’à Guam (450 000 touristes, japonais pour les trois quarts) et aux Fidji (3 800 chambres et 260 000 visiteurs au début des années 1990). Tout cela il est vrai paraît modeste face au gigantisme de l’activité touristique aux Hawaii, où les 73 800 chambres, dont 37 300 à Oahu, c’est-à-dire pour l’essentiel à Waikiki, ont accueilli en 1992 pas moins de 6 513 000 visiteurs qui ont dépensé... 9,5 milliards de dollars, plus que le P.N.B. réuni des cinq États du Sahel africain, Burkina, Mali, Niger, Tchad et Mauritanie. Avec Waikiki, bien sûr, mais aussi avec les grands complexes touristiques situés dans les îles autres qu’Oahu (Lahaina-Kaanapali et Kihei à Maui, Kona à Hawaii...), les Hawaii sont devenues un haut lieu du tourisme mondial, accueillant des Américains des quarante-neuf autres États, mais aussi plus de 1 600 000 Japonais et des centaines de milliers de Canadiens, d’Australiens (1992)... La part des étrangers, et notamment des Japonais, ne cesse de croître, dans un contexte de repli de l’activité totale du tourisme depuis le début des années 1990 (date à laquelle les Hawaii avaient accueilli près de 7 millions de visiteurs). Les paysages touristiques des Hawaii et notamment ceux de Waikiki sont en tout cas plus près du style de Miami que du cliché des paisibles îles des mers du Sud.

7. Fragilité économique et marginalisation géopolitique

Les ensembles insulaires du Pacifique présentent, pour la plupart d’entre eux, des éléments de faiblesse qui peuvent parfois amener à s’interroger sur leur viabilité même. Certains sont minuscules (Tuvalu), presque tous sont trop petits et trop isolés pour constituer un véritable foyer de production et de consommation. Le plus grand par la taille et la population, la Papouasie - Nouvelle-Guinée, est menacé d’éclatement par la volonté sécessionniste de l’île de Bougainville, qui contient de très riches gisements de cuivre. Certains archipels sont bloqués par des antagonismes ethniques irréductibles (Fidji) ou n’arrivent que bien difficilement à faire naître une véritable et indispensable société pluriethnique (Nouvelle-Calédonie). Enfin, bon nombre n’ont que des ressources très insuffisantes pour compenser par des exportations des importations nécessaires: si la Papouasie - Nouvelle-Guinée ou les Salomon ont une balance commerciale pratiquement équilibrée, les Fidji ne couvrent leurs importations par leurs exportations qu’à 60 p. 100, le Vanuatu à 30 p. 100, les Samoa et les Tonga à moins de 25 p. 100 et la Polynésie française à seulement 6 ou 7 p. 100.

Ce déséquilibre peut être, il est vrai, compensé en partie par des activités de service comme le tourisme, l’attrait de paradis fiscal (îles Cook) ou l’importance du rôle stratégique: Guam abrite ainsi 25 000 militaires américains, et les Hawaii 60 000, plus 60 000 membres de leurs familles dans l’énorme complexe d’Oahu centré sur Pearl Harbor, ce qui représente un apport annuel de plus de 2 milliards de dollars à l’économie de l’archipel. En Polynésie française, le centre d’expérimentation du Pacifique (Mururoa) a été l’un des grands pourvoyeurs de l’économie du territoire jusqu’à la décision du 7 avril 1992 d’interrompre les essais nucléaires.

Enfin, les économies insulaires sont pour la plupart très largement soutenues par des aides ou transferts extérieurs. C’est vrai des entités rattachées à une grande puissance: les transferts représentent ainsi environ 80 p. 100 du P.N.B. des Samoa américaines, 70 p. 100 de celui de la Polynésie française, 50 p. 100 de celui de la Nouvelle-Calédonie. Mais des États «indépendants» n’échappent pas à cette dépendance: les aides, qu’elles proviennent d’organismes internationaux (F.A.O., Banque mondiale, Union européenne, Asian Development Bank) ou d’accords bilatéraux avec d’anciennes puissances colonisatrices ou de grandes puissances «régionales», comptent ainsi pour 60 p. 100 du P.N.B. au Vanuatu en 1990 ou 47 p. 100 aux Samoa occidentales. Il s’y ajoute parfois les transferts de fonds effectués par des émigrants installés outre-mer: les Samoa occidentales reçoivent ainsi 11 p. 100 de leur P.N.B. des communautés samoanes établies en Nouvelle-Zélande ou aux États-Unis, et les îles Cook ou encore le T.O.M. de Wallis-et-Futuna bénéficient d’importants apports de ce type.

Au total, ces petites entités insulaires jouissent donc de soutiens internationaux en proportion beaucoup plus importants que les États continentaux du Tiers Monde. Cela est dû à leur petite taille qui permet des actions efficaces à des coûts limités, et aussi à leur position stratégique qui leur a valu une attention toute particulière de la part des grandes puissances riveraines du Pacifique, et leur a permis parfois de pratiquer une politique de surenchère vis-à-vis des éventuels fournisseurs d’aide. On l’a bien vu lorsque le Kiribati annonça, en 1985, sa décision d’octroyer des droits de pêche à l’U.R.S.S., ou lorsqu’en 1986 le Vanuatu se rapprocha spectaculairement de la Libye et de l’U.R.S.S.!

Il est vrai que, depuis l’effondrement de l’U.R.S.S et l’affaiblissement de la compétition géopolitique qui en a résulté, l’intérêt stratégique de ces petits mondes insulaires a sensiblement diminué et qu’ils risquent ainsi de se retrouver quelque peu marginalisés face aux nouvelles concurrences de style plus économique que militaire qui se développent dans le bassin pacifique.

Devant le risque de pulvérisation géopolitique de ce monde des îles, les grandes nations riveraines du Pacifique et les anciennes puissances coloniales ont favorisé la création d’organismes régionaux comme la Commission du Pacifique Sud, installée à Nouméa depuis 1947, ou le Forum du Pacifique Sud et son bureau de coopération économique (y compris un office de pêche implanté en 1986 à Honiara, Salomon), ou encore l’université du Pacifique Sud, localisée à Suva (Fidji) mais regroupant onze États et avec laquelle pourra rivaliser un jour la jeune université française du Pacifique avec ses deux sites de Nouméa et de Papeete. Si certains États se sentent liés par une certaine solidarité ethnique (États mélanésiens aujourd’hui, peut-être monde polynésien demain), les éléments de diversité l’emportent encore de beaucoup sur les facteurs d’unité dans l’Océanie insulaire.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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